Frugalité et architecture
Dans les sociétés modernes actuelles, malgré leurs dissemblances, le principe de frugalité est à la base d’une nouvelle culture de progrès éthique et responsable, qui suscite également l’intérêt d’une partie de l’opinion publique internationale. La planification architecturale, le design et la recherche artistique évoluent dans cette voie. Les solutions de construction et de production à des coûts abordables, incluant la durabilité, la réduction énergétique et le respect de l’environnement, évitant le gaspillage des ressources, tracent des scénarios sans précédent dans les domaines de la conception et de la réalisation.
Le logement est l’un des problèmes urgents partagé par la majorité de la population mondiale. Le nombre de personnes qui vivent dans des « conditions de fortune » est appelé à augmenter considérablement dans les décennies à venir, nous obligeant à changer radicalement les systèmes de production, la technicité, les modes d’intervention et de construction.
Dans le large panorama des applications où se reflète la culture de la frugalité, le domaine de l’architecture et de la création d’objets à usage quotidien en fournit de bonnes illustrations. Elles conviennent tout naturellement pour communiquer cette nouvelle démarche, fonctionnant comme des vecteurs immédiats pour la diffusion d’une idée du progrès différente.
La recherche architecturale promue par l’industrialisation actuelle du bâtiment contraste avec celle de l’architecture frugale. Cette dernière est en fait une architecture du résidu qui sait utiliser au mieux les matériaux naturels et locaux ou recycler ceux trouvés; une architecture d’hypo consommation plutôt que d’hyper consommation.
L’architecture frugale est un phénomène international, mais non globalisé, c’est-à-dire qu’elle ne reproduit pas un seul modèle hégémonique à l’échelle planétaire mais respecte le foncier et les ressources locales ainsi que les besoins de ses habitants. Il s’agit d’une recherche architecturale qui réagit aux déchets produits par l’hyper consommation en favorisant des solutions durables pour l’avenir de la population de notre planète.
Les anciens Romains ne dédaignaient pas de pratiquer une certaine frugalité, même s’ils n’hésitaient pas à offrir des banquets d’une somptuosité indécente. Cependant, il existe une règle très précise : manger seul est une très mauvaise habitude.
Avec la frugalité comme principe, n’allons-nous pas assister à un nouveau phénomène de récupération d’une démarche vertueuse au seul besoin de ne pas changer le seul paradigme valable aux yeux de ce système de production ? Dans «Leur écologie et la nôtre » André Gorz (1974) nous renseigne déjà : « Mieux vaut, dès à présent, ne pas jouer à cache-cache : la lutte écologique n’est pas une fin en soi, c’est une étape. Elle peut créer des difficultés au capitalisme et l’obliger à changer ; mais quand, après avoir longtemps résisté par la force et la ruse, il cédera finalement parce que l’impasse écologique sera devenue inéluctable ; il intègrera cette contrainte comme il a intégré toutes les autres. »
Frugalité et abondance, c’est entre ces deux polarités d’affichage que le pouvoir institutionnel oscille, mais toujours dans la convivialité, n’est-ce pas !